L’HISTOIRE DU ROCK’N’ROLL

  • Pour la majorité des fans d’Elvis, le 6 juillet 1954 est vraiment considéré comme la date fondatrice du Rock’n’roll. Mais pour les historiens de la musique, cette musique existait bien avant lui.

     
    Nous allons voir comment :

Le Blues, la Country et le Gospel constituent le code génétique du Rock’n’roll

I – Cette musique, elle vient du Blues

 

A – Les origines

 

  • Le Blues naît au cours du XVIIIe siècle dans le Sud des Etats-Unis, exactement dans « le delta », ce triangle qui englobe une partie de la Louisiane, du Mississipi et du Tennessee, de l’Alabama et de l’Arkansas. Il naît dans ces plantations où les esclaves noirs qu’on a fait venir d’Afrique, enchaînés les uns aux autres, récoltent le coton sous un soleil torride de l’aube à la tombée de la nuit. C’est à travers des chants a cappella que ces travailleurs se donnent du courage en exprimant leur douleur, leurs peurs, leur angoisse et leur désespoir.
    Ces déracinés n’ont alors pas d’autre choix que de s’intégrer dans la communauté blanche pour tenter d’en exploiter tous les ressorts.
  • A la fin du XVIIIe siècle, les « maîtres blancs » décident de l’évangélisation de ces esclaves en leur permettant d’assister aux offices religieux.
    Les cantiques blancs qu’on leurs inculquent se transforment très vite en chants tirés de leurs traditions ancestrales.
    Naît alors le « Negro spiritual »
  • A partir de 1880, après la guerre de Sécession, malgré leur défaite et l’abolition de l’esclavage, les Sudistes promulguent des lois ségrégationnistes interdisant tout droit politique et civique aux Noirs. C’est alors que le ton de la musique noire change. De plaintive et soumise, elle devient contestataire. Les chants se transforment en blues agressifs.
  • Vers 1910, on assiste à une première vague d’immigration. Deux millions de Noirs quittent le Sud pour les cités industrielles du Nord. Première étape : Memphis dans le Tennessee, ville portuaire sur le fleuve Mississipi où les anciens ramasseurs de coton se retrouvent chargés de débarquer les balles de coton des immenses cargos. Cette nouvelle population se concentre dans le quartier populaire situé autour de Beale Street.

     D’autres continuent leur migration vers le Nord, principalement à Saint Louis, Chicago et Détroit   où l’on a besoin de main-d’œuvre bon marché dans l’industrie de l’automobile.
    D’autres encore partent vers l’Est (Alabama Floride, Caroline, Virginie), l’Ouest (Texas) et plus tard en Californie.

 

B – Le Blues proprement dit

C’est réellement à Memphis que le blues éclot, se façonne, se structure, s’organise.
C’est ce qu’on appellera plus tard le Rhythm’n’blues sur lequel dansent les Noirs après leur dure journée de labeur.

 

·         Charlie Patton

Alors qu’il erre dans le delta durant vingt années, il rencontre des musiciens qui l’initient au Blues, un Blues qu’il transcende grâce à un style très particulier : il utilise une lame de couteau qu’il glisse sur les cordes de sa guitare pour en obtenir un son plaintif, il joue de son instrument en le plaçant derrière sa tête ou entre ses jambes (Chuck Berry, Jimi Hendrix, Keith Richards n’ont-ils rien inventé ?).

Il est le premier à enregistrer un disque pour le label Paramount en 1929.

 

Il est considéré comme le père fondateur du Blues

·         Robert Johnson

A 16 ans, alors qu’il obtient sa première guitare, il est initié par les vieux bluesmen de Robinsonville. Perturbé par les conditions de vie très aléatoires que lui inculque sa mère, il quitte très tôt la maison pour s’en aller seul sur les routes où il finit par rencontrer le fameux Charlie Patton ainsi que Son House.
Ce copain d’infortune prétend avoir été initié au Blues par le diable rencontré au bord d’une route.
Le Blues acquiert très vite cette réputation sulfureuse. Si on y ajoute les femmes et le whisky, tous les ingrédients sont réunis pour expliquer comment et pourquoi cette « musique de nègre » a été dénoncée et combattue par la communauté blanche du Sud et surtout par l’Eglise.
Comme la plupart des bluesmen, Robert Johnson ne connaît pas les notes de musique.
En revanche, il est capable de construire des accords aussi sophistiqués que ceux que l’on rencontre dans le Jazz. Sa main droite joue en picking et sa main gauche assure en même temps la ligne de basse et la mélodie. Autrement dit, il joue comme deux guitares à la fois.

En 1929, il enregistre 28 chansons qui tombent dans l’oubli jusque dans les années 60 où Clapton et les Rolling Stones revisitent son répertoire : Crossroad blues, Love in vain, Sweet home Chicago, etc…
Après une vie d’errance durant laquelle il courtise nombre de femmes, syphilitique, alcoolique, suite à une agonie de trois jours, il meurt à l’âge de 37 ans (un 16 août comme Elvis). Il est le personnage légendaire le plus emblématique de la Blues music.

 

Robert Johnson est le père du Blues moderne

 


Clarksdale (Mississippi), The Crossroads hommage à Robert Johnson

 

C – Le Gospel

 

  • Pendant ce temps, les Negro spirituals ont une influence certaine sur la musique américaine (sur le Blues, le Rhythm’n’bluesmais aussi sur le Jazz traditionnel).
    Ils finissent par influencer les offices religieux où les blancs adoptent des chants rythmés. (Elvis comme Johnny Cash en sont grandement imprégnés).
    Le seul vrai dénominateur commun aux deux communautés ne serait-il pas Dieu ?
    Bluesmen comme countrymen n’en finissent pas de faire appel à lui.

 

D – Les prémices du Rock’n’roll

 

  • 1) - Dès 1930, les orchestres de Blues typiques, composés jusqu’alors d’un washboard, d’un piano, d’une contrebasse et d’une guitare sèche, cèdent la place à des formations modernes : batterie, piano, contrebasse, guitare électrique et surtout harmonica. Ce son nouveau personnalise le style du « Chicago Blues ».

    De nombreux musiciens noirs sudistes rejoignent alors les studios Chess de Chicago : Muddy Waters est considéré comme le roi du Chicago Blues, suivi par Buddy Guy et bien d’autres.

    Au Texas, Leadbelly et Blind Lemon inventent un nouveau style caractérisé par un jeu de guitare en arpèges.
    En Californie, le Blues subit l’influence du Swing blanc où le piano domine.
    C’est ainsi que John Lee Hooker joue régulièrement avec des musiciens blancs et flirte en permanence avec le Rock’n’roll.
    Pendant ce temps, à Memphis le Blues perdure avec son « roi » BB King.

  • Louis Jordan

    C’est lui qui crée la passerelle entre le Blues et le Rock’n’roll avec le Jump Blues.
    Autant le Blues traditionnel est désespéré, autant celui de Louis Jordan est joyeux, rythmé et dansant. Son fameux Choo choo boogie enregistré à la fin des années 40 est incontestablement annonciateur du Rock’n’roll.

Il est l’initiateur du Rythm’n’blues moderne.

 

Pourtant l’expression « Rock’n’roll » n’apparaît pas dans les médias car elle est essentiellement utilisée par la communauté noire.

 

  • En anglais, « To rock » signifie littéralement « balancer et bercer ». « To roll » veut dire «  rouler » mais peut évoquer aussi l’acte de laminer.
    Cette expression prend très vite une connotation sexuelle parce que les pas de danse des Noirs, le soir dans les honky tonks sur du Rhythm’n’blues évoquent la gestuelle de l’amour : déhanchement d’avant en arrière, jeu suggestif du bassin, rapprochement puis éloignement du contact, propulsion en hauteur et affaissement des genoux, enroulement autour de l’autre, enlacement, sautillement…
    Bref, quelque chose qui s’éloigne complètement de la rigidité austère de la valse ou du quadrille pratiqués par les Blancs.
    Cette danse peut aussi s’appeler Boogie-Woogie, Blues interprété essentiellement au piano. Elle voit le jour dans les bas quartiers de la Nouvelle Orléans en Louisiane dans les années 30. (Comme par hasard, Jerry Lee Lewis, l’un des pionniers du Rock’n’roll, né en Louisiane, impose son style dans les années 55/56 en jouant du Boogie-Woogie sur son piano.)
  • 2) - De son côté, la musique country connaît une évolution parallèle.
    Naît alors le Hillbilly Boogie (ex : Guitar Boogie d’Arthur Smith – 1945)

    Dans les années 40, le Jazz blanc s’inspire du Rhythm’n’blues pour imposer son Swing. Et pour le danser, apparaît le Be-bop, forme « blanchisée » de Rhythm’n’blues.

 

Les Blancs dansent le Be-bop, les Noirs dansent le Rock’n’roll.

 

II – Les dates clés de « l’avant »

  • 1934 : l’expression « rock’n’roll » est utilisée pour la première fois dans une chanson interprétée par The Boswell Sisters dans le film Transatlantic Merry-go-round.
     
  • 1947 : Good Rocking Tonight de Roy Brown est du pur Rock'n’roll primitif.
  • 1949 : le disque de Fats Domino, The Fat Man donne déjà dans le rock.
  • 10 avril 1951 : Bill Haley